La Fed n'a pas d'autre choix que de maintenir des taux élevés, Par William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst.
Ce qu'il faut retenir
Comme prévu, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a laissé ses taux inchangés. Il faudra attendre la réunion de juin et la mise à jour des projections macroéconomiques pour avoir une meilleure visibilité concernant la direction de la politique monétaire américaine. Le risque de stagflation s'accroît aux États-Unis : cela devrait inciter la Fed à laisser ses taux inchangés à court terme.
20 % des intervenants de marché prévoient que la banque centrale augmente ses taux dans les douze prochains mois. Nous doutons que ce soit un scénario crédible. En revanche, la première baisse des taux s'éloigne. Elle pourrait n'avoir lieu qu'en septembre…voire en décembre en fonction de l'évolution de la consommation américaine et de l'inflation dans les services.
Le dollar fait face à des défis structurels, comme les tentatives de dédollarisation et le double déficit américain. Mais à court terme, le différentiel de taux qui existe entre les États-Unis et le reste du monde favorise un dollar fort. C'est une mauvaise nouvelle pour l'économie mondiale. Cela devrait se traduire par une nouvelle période de désordre monétaire.
Où en est vraiment l'économie américaine ?
Les dernières statistiques portant sur la croissance et l'inflation confirment que le risque de stagflation s'est accru aux États-Unis. Le PIB a ralenti à 1,6% au premier trimestre 2024 contre 3,4% au quatrième trimestre 2023. C'est légèrement en-dessous du niveau de la croissance potentielle. C'est une première en dix-huit mois. En même temps, l'inflation sous-jacente a fortement augmenté pour passer de 2% à 3,7%. L'entrée en déflation de l'économie américaine est un risque réel. Mais c'est loin d'être acquis lorsqu'on étudie en détail les composantes de la croissance.
Le ralentissement de l'activité est surtout le résultat d'une forte hausse des importations, maintenant la croissance de la demande intérieure à 2,8% au premier trimestre. C'est en ligne avec la moyenne sur six ans d'avant Covid. Néanmoins, c'est en décélération par rapport au quatrième trimestre (3,5%).
La demande intérieure reste soutenue par la demande privée (consommation + investissement) et par un fort rebond de l'investissement résidentiel, particulièrement au premier trimestre. Toutefois, le rebond observé de l'investissement résidentiel devrait être limité dans le temps en raison de taux hypothécaires toujours élevés qui rendent le service de la dette difficile à supporter pour la classe moyenne et des stocks de logements neufs invendus qui sont à des niveaux jamais vus depuis la crise financière de 2007-08.
Au premier trimestre, l'investissement non résidentiel et les dépenses de consommation ont un peu ralenti. Mais ils restent très résilients, notamment la consommation qui se maintient à 2,5% en variation trimestrielle. C'est tout à fait honorable. La consommation de services, qui a été très soutenue ces derniers mois, devrait ralentir dans le cours de l'année. Cela reflète la réduction de la croissance du revenu réel des ménages (fin de l'épargne excédentaire liée à la Covid en avril et moindre recours au crédit à la consommation en raison de taux d'intérêt élevés).
La baisse de la demande de services est fortement attendue par la Fed car c'est le principal facteur à l'origine de la persistance de l'inflation. L'inflation dans les services, hors loyers, est en moyenne à 6% sur les six derniers mois. Pour parvenir à un repli durable de l'inflation, il faut que la Fed maintienne des taux élevés pour ralentir la demande. Elle ne peut pas compter sur un éventuel choc d'offre positif pour freiner les prix, contrairement à ce qu'elle pensait il y a encore quelques mois de cela.
Comment la Fed doit répondre ?
La mise à jour des projections macroéconomiques en juin donnera plus d'indications sur les choix de politique monétaire de la Fed. À court terme, on peut cependant se risquer à affirmer qu'elle n'a pas d'autre choix que de maintenir des taux élevés sur la durée et d'accepter un découplage de politique monétaire avec le reste du monde qui va encore plus renforcer le dollar. Nous estimons que le taux d'intérêt naturel - qui permet de maintenir l'inflation stable et un niveau de demande assurant le plein emploi de manière non inflationniste – se situe à 1,5% aux États-Unis. C'est proche du taux réel actuel de 1,7%. La politique monétaire de la Fed est donc à peine restrictive (+20 points de base).
Au début des années 1980, lorsqu'il fallait combattre l'inflation, la Fed avait maintenu des taux supérieurs de 150 points de base au taux d'intérêt naturel. A la fin des années 1990, période pourtant où l'inflation était sous contrôle, le taux réel était environ supérieur de 30 points de base par rapport au taux naturel. Cela fait dire à certains analystes que la Fed n'est justement pas suffisamment restrictive pour freiner durablement l'inflation.
Si on pousse le raisonnement, cela valide l'hypothèse d'une hausse des taux par la Fed – un scénario encore inimaginable il y a quelques mois de cela mais qui est soutenu par environ 20% des intervenants du marché monétaire. Nous doutons que ce scénario soit crédible. Un tel revirement de politique monétaire, quelques mois avant l'élection présidentielle, serait un cinglant aveu d'échec pour la Fed. En outre, il faudrait vraiment que l'inflation soit soudainement hors de contrôle, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En revanche, cela conforte la possibilité qu'une première baisse des taux sera beaucoup plus tardive que prévu…au mieux en septembre, voire en décembre.
Implications pour le dollar
Beaucoup de grandes banques d'investissement avaient tablé sur une baisse structurelle du dollar à partir du premier trimestre, voire du deuxième trimestre de cette année. C'est désormais improbable. Personne n'avait anticipé une telle résilience de l'économie américaine qui complique autant la lutte contre l'inflation.
Depuis le début d'année, c'est le différentiel de taux qui a été le principal facteur d'évolution du marché des changes – devant les statistiques, les flux et la géopolitique. Cela va rester le cas tout le reste de l'année. Le différentiel de taux entre les États-Unis et le reste du monde est très nettement à l'avantage des États-Unis, ce qui constitue un facteur de soutien structurel du dollar. Tant que cette situation perdure, il faut s'attendre à ce que le dollar fort reste la norme. C'est une mauvaise nouvelle pour les partenaires commerciaux des États-Unis.
Certains en Asie sont déjà contraints d'intervenir pour soutenir leur monnaie locale (Indonésie via une hausse surprise des taux directeurs, Japon via des achats de yens par la banque centrale). Cela risque également de pénaliser l'euro qui devrait rapidement renouer avec la zone de 1,05. Nous nous attendons à ce que la deuxième partie de l'année 2024 soit marquée par un fort désordre monétaire – plus de volatilité, plus d'interventionnisme des banques centrales sur le marché des changes. C'est classique en période de découplage économique et de découplage monétaire.
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