
SVB et Crédit Suisse : retour sur une crise évitée de justesse.Le monde bancaire a failli s'écrouler en une semaine.
Les faillites successives de Silvergate Bank (cryptomonnaies) mercredi 8 mars, de Silicon Valley Bank (starts-up) vendredi 10 mars, de Signature Bank (cryptomonnaies) dimanche 12 mars et le sauvetage de Crédit Suisse le 15 mars ont créé un vent de panique sur les marchés et provoqué des décisions historiques des régulateurs.
Cette situation inédite aux accents de 2008, est également riche d'enseignements.
Risque de « Bank run » et mesures conservatrices
La Silicon Valley Bank (SVB) était la banque des starts-up et des fonds de capital-risque américains avec 35 000 clients et 200 milliards de dollars de dépôts (investis massivement sur des emprunts d'Etat américain).
Depuis début mars, des rumeurs sur son incapacité à faire face à des sorties de dépôts massifs, en raison de sa mauvaise gestion de ses risques actif/passif avec la remontée des taux d'Etat Américain, circulaient parmi ses clients.
Nombre d'entre eux ont de fait, retiré en même temps, une partie de leurs dépôts. Ce phénomène de « Bank run » a contraint le management à céder la quasi-totalité de son portefeuille obligataire comptabilisé en « Available for Sale », soit environ 25% de sa valeur, ce qui a généré une moins-value de -1.8 milliards de dollars. L'augmentation de capital prévue en urgence pour contrebalancer cette perte a été rendue impossible par la forte chute, puis la suspension de cotation de l'action. SVB a alors été placée sous contrôle de la FDIC: Federal Deposit Insurance Corporation (le fonds de garantie des banques).
Le FDIC, la Réserve fédérale, le Trésor et le gouvernement américain ont décidé que la faute incombait aux actionnaires. Ils ont ainsi pris la décision exceptionnelle de garantir 100% des dépôts afin d'assurer la liquidité du système bancaire général et de restaurer la confiance. La SVB a donc fait faillite, la deuxième plus grosse faillite bancaire depuis 2008 aux Etats-Unis.
De son côté, le Crédit Suisse dont la stratégie s'appuie sur la gestion de fortune, l'investment banking et sa forte présence sur son marché domestique, a perdu 80 % de sa valeur boursière entre mars 2021 et mars 2023.
Mercredi 15 mars matin, Ammar Al-Khudairy, Président de la Saudi National Bank, deuxième actionnaire de la banque helvétique (9,8% du capital), a déclenché un mouvement de panique sur les marchés, en annonçant qu'il ne comptait « absolument pas » y injecter davantage d'argent. En une séance, l'action de Crédit Suisse a atteint son plus bas niveau historique, pour finalement clôturer en baisse de 24,24 %, malgré les interventions de ses dirigeants.
La nuit du 15 mars, le Crédit Suisse est sauvé par la banque centrale suisse (la BNS) et le gendarme des marchés financiers (la Finma) qui indiquent que : « Le Crédit Suisse satisfait aux exigences en matière de capital et de liquidités imposées aux banques d'importance systémique. En cas de besoin, la BNS mettra des liquidités à la disposition du Crédit Suisse ».
Crédit Suisse a ainsi annoncé un emprunt à court-terme pouvant atteindre jusqu'à 50 milliards de francs suisses, auprès de la BNS et lancé une série d'opérations de rachat de dette, pour 3 milliards de francs suisses.
Le 19 mars, UBS annonce la reprise de Crédit Suisse.
Trois enseignements
Premier enseignement : les banques ne sont pas toutes traitées à la même enseigne
En effet, dans le pays considéré comme le « modèle » du capitalisme – les Etats-Unis, on a sauvé les clients et pas les actionnaires, s'agissant dans ce cas précis d'une petite banque en difficulté.
A l'inverse, en Suisse (et en Europe), on sauve les dépositaires et les banques (et leurs actionnaires) car on a plus peur d'un effet domino et du risque systémique, s'agissant d'une grande banque.
Le risque systémique lié aux activités financières semble donc moins important outre Atlantique qu'en Zone Euro. Les économies européennes sont encore très dépendantes du système bancaire. Il est en tout cas fort à parier que de nombreuses banques américaines régionales vont renforcer leurs bilans dans les semaines à venir.
Deuxième enseignement : la taille ne fait pas tout
SVB fait partie des banques de catégorie IV (moins de 250 milliards de dollars d'actifs). Par conséquent, elle n'est pas assujettie aux ratios de liquidité de type LCR (ratio de liquidité à court-terme) ou NSFR (ratio structurel de liquidité à long-terme).
Or, la récente envolée des risques financiers découle d'une mauvaise gestion du risque de liquidité de ces banques de catégorie IV.
Les grandes banques européennes semblent plus solvables, mieux gérées, conformément à une réglementation également plus stricte en Europe, au détriment, cependant, de leur rentabilité.
Dernier enseignement : la hausse des taux commence à peser sur les marchés
Nous n'avions pas eu une telle crainte sur les marchés d'un risque systémique lié aux activités bancaires depuis la faillite de Lehman Brothers.
Avec la forte remontée de l'inflation depuis 2022, les banques centrales ont logiquement priorisé la stabilité des prix en remontant très fortement les taux d'intérêt … mais on commence seulement à en voir les effets collatéraux : aujourd'hui les banques, demain le crédit aux entreprises, après-demain le crédit immobilier…
Le pilotage des taux par les banques centrales va très probablement animer les marchés et impacter l'économie réelle dans les prochains mois.
En conclusion, il faut rester vigilant : SVB a révélé la fragilité des contrôles prudentiels des banques de petite taille aux Etats-Unis. Mais en même temps, il a fallu venir à la rescousse de Crédit Suisse. Reste une grande inconnue : que vont faire les banques centrales si les hausses de taux amènent une si grande instabilité, alors que ces hausses sont censées aider à lutter contre l'instabilité apportée par une inflation non maitrisée ?
Cédric Fouché, gérant de portefeuille Mon PER, Inter Invest
A propos du Groupe Inter Invest
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