Plus que d'une saine gestion ou d'un redressement de leurs comptes, de nombreuses blue chips ont besoin d'une réinvention totale de leur modèle économique, qui doit prendre en compte la dimension désormais durablement déflationniste de leur environnement économique.
La sauvegarde de leur statut boursier est à ce prix.
Le risque n'est définitivement plus là où on le pense.
Il y a peu, la solution pour les investisseurs en panne d'idée était de privilégier les blue chips.
Le succès des ETF s'est nourri de ce réflexe bien commode.
Liquides, lisibles, aux parts de marché bien établies, elles offraient un profil apparemment sécurisant.
Bref, elles rassuraient.
Le risque, lui, était du côté des entreprises de taille moyenne, dans les métiers nouveaux ou encore dans les sociétés spécialisées.
Mais voilà.
En renforçant les tensions déflationnistes dans un contexte de renchérissement des intrants (matières premières, énergie.
), la crise a fait voler en éclat cette approche.
Le risque n'est plus là où on le pensait auparavant.
Il concerne au premier chef les groupes qui n'ont pas pris la pleine mesure de ce nouveau paradigme et qui voient leurs parts de marché et leur capacité bénéficiaire sans cesse mises à mal par de nouveaux entrants plus agiles ou plus innovants qu'eux.
Cette nouvelle donne a des répercussions importantes, en matière d'investissement.
Certaines valeurs qui ont fortement chuté au cours des dernières années reflètent des fondamentaux durablement affectés, invalidant de fait les stratégies d'investissement fondées sur un retour vers la moyenne.
Autrement dit, un multiple de valorisation apparemment faible n'est plus un gage de rebond et ne protège pas contre une sous-performance devenue structurelle.
Commençons par vivendi.
Au plus bas depuis 9 ans, la valeur s'échange moins de 7 fois ses résultats anticipés en 2012.
Une valorisation a priori attrayante, donc.
Pour autant, l'opportunité de s'y positionner est plus que discutable.
Pour une raison simple : faute de véritable barrière à l'entrée, chacun des métiers du groupe se banalise, se « commoditise ».
Habituée à une situation quasi-oligopolistique, l'activité de téléphonie est soudainement aculée par un nouvel entrant, dont la structure de coût plus légère et le positionnement marketing innovant fragilisent en retour l'assise.
Essentiellement basée sur la diffusion de rencontres sportives et de longs métrages, le modèle de la télévision payante de vivendi (Canal+) est mis à mal par l'essor du pay-per-view et par l'arrivée d'un nouvel entrant (Al Jazeera) dans les retransmissions sportives.
Quant à l'activité de jeux vidéo, elle fait face à la fois à des coûts de développement croissants et une concurrence virulente.
Résultat, la marge d'ebitda de vivendi pourrait bien atteindre un pic en 2013, avant de reculer tendanciellement.
La preuve qu'un modèle qui ne repose pas sur un savoir-faire discriminant est à la merci de tout nouvel entrant, qu'il soit plus inventif en matière de marketing ou plus solvable.
Des modèles économiques condamnés à terme Confrontés aux mêmes écueils, france telecom a échoué dans la télévision et souffre parallèlement d'une érosion constante de ses parts de marché dans la téléphonie.
Avec une contrainte de taille : une masse salariale notamment composée de 50 000 salariés au statut de fonctionnaire, qui l'empêche d'adapter sa base de coûts en conséquence.
Ici encore, l'ebitda devrait baisser de 8,3 milliards d'euros en 2011 à 7,4 milliards d'euros en 2014, préalable à une rapide érosion du statut de valeur de rendement de l'opérateur.
Ex-valeur de croissance, carrefour ne cesse également de perdre des parts de marché au profit d'une concurrence plus efficace.
En l'absence de différenciation, le modèle « low fare » du distributeur lui ôte parallèlement tout moyen de restaurer ses marges (à l'instar des compagnies aériennes à bas coûts à la recherche de volumes élevés, quitte à réduire leurs marges au minimum et se trouver démunies en cas de renchérissement du pétrole).
Ces trois exemples ont en commun d'avoir fortement chuté par rapport au reste de la cote, pour ne pas avoir protégé leur activité contre les pressions concurrentielles, et donc, de ne plus offrir aux investisseurs aucune « proposition actionnariale ».
Ils confirment qu'un modèle qui compte sur les seuls volumes de vente sans construire de barrière à l'entrée au préalable est condamné à terme.
Plus que d'une saine gestion ou d'un redressement de leurs comptes, ces groupes ont besoin d'une réinvention totale de leur modèle économique, qui doit prendre en compte la dimension désormais durablement déflationniste de leur environnement économique.
Toutes les blue chips sont loin de répondre à cette nécessité vitale.
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